L’autoroute électrique : une solution à la neutralité carbone ?
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La France a pour objectif la neutralité carbone à horizon 2050 afin de contenir l’ampleur du réchauffement climatique à 1,5°C. Pour les transports, cet objectif se traduit par une décarbonation complète des transports terrestres à cet horizon.
Pour les véhicules poids lourds, les principales solutions de décarbonation envisageables sont le biogaz, le biodiesel, l’électrique à batterie, le réservoir d’hydrogène et enfin l’électrique à batterie alimenté en roulant : l’autoroute électrique (ou Electric Road Systems ERS).
L’autoroute électrique est actuellement testée en Allemagne et en Suède, permettant de limiter substantiellement l’emport de batterie.
L’électrification des véhicules légers routiers, voitures particulières et véhicules utilitaires légers est la principale voie envisagée de décarbonation. Elle est largement engagée depuis 2020 à la suite d’un règlement européen équivalent adopté dès 2009 et via le « diesel gate » de fin 2015.
Les solutions pour l’autoroute électrique
Trois technologies d’autoroute électrique existent :
- Par caténaires
- Par conduction par rail
- Par induction
Enjeux et stratégie des solutions envisageables pour les poids lourds
Par Patrick Pelata, ancien DG de Renault
Le biogaz et le biodiesel
Ils pourraient répondre aux besoins, mais ces solutions comportent plusieurs risques majeurs : leur disponibilité n’est pas assurée, aussi bien vis-à-vis du gisement dont l’estimation est difficile, que de la concurrence entre usages : chauffage, production électrique et industrie pour le biogaz, aviation pour les biocarburants.
De plus, l’avantage en termes d’émission de GES du biogaz (biométhane) repose sur un processus émettant moins de 1% de fuite sur le cycle complet, depuis la production jusqu’à la distribution finale. Hypothèse qui reste encore à démontrer car son pouvoir de réchauffement global de l’atmosphère est 84 fois supérieur à celui du CO2.
La solution électrique-hydrogène
Cette solution nécessite trois fois plus d’énergie électrique sur l’ensemble du cycle de production-consommation que la solution électrique-batterie lorsque l’hydrogène vert est produit par électrolyse de l’eau.
Les autres procédés de production d’hydrogène « gris » (vaporeformage de méthane avec capture et stockage du CO2, thermolyse de biomasse) présentent encore des questions non résolues de capacités de stockage du CO2 et disponibilité de la biomasse. Cette solution présente de fortes incertitudes tant sur les coûts de production et distribution de l’hydrogène que sur les coûts des PL électriques à hydrogène, ce qui semble faire de la solution électrique-hydrogène une solution insuffisamment mature pour permettre une décarbonation massive du fret routier dès 2030.
L’électrique à batterie
Pour les PL, cette option constitue une solution performante sur le plan des émissions de CO2, y compris en incluant les émissions liées à la fabrication de la batterie. Cependant, cette solution se heurte à plusieurs facteurs :
- son coût (coût de possession annuel supérieur de 15% – 20% à un PL diesel)
- la diminution de la capacité de chargement des poids lourds (de l’ordre de 3 à 4 t pour le cas d’une batterie correspondant à une autonomie de 700 km) venant renchérir les coûts de production des transporteurs
- la problématique de la durée de la recharge
- la disponibilité des bornes de recharge, particulièrement critique pour ne pas dégrader l’exploitation des poids lourds, condition clé pour la rentabilité des transporteurs.
Enfin, l’électrique à batterie et autoroute électrique (ERS) permet à la fois une décarbonation forte du transport routier de longue distance et elle présente un excellent rendement énergétique.
Les autoroutes électriques présentent 2 avantages :
- Diminuer significativement la taille des batteries des PL faisant de longs trajets (1 200 kWh pour un PL à batterie longue autonomie contre 400 kWh pour un PL ERS environ)
- Réduire le besoin en bornes de recharge.
Parmi les trois solutions d’ERS, la solution avec caténaire est la plus avancée techniquement, mais plusieurs points restent à valider dont l’acceptation citoyenne des caténaires tout au long des autoroutes et la gestion de crise en cas d’intempéries décennales.
La solution rail, très avancée aussi, permettrait, l’alimentation des véhicules légers, Voitures Particulières (VP) et Véhicules Utilitaires Légers (VUL). Cette solution permettrait donc la réduction de la taille des batteries de ces véhicules, critique vis-à-vis de leur coût et de la consommation de matières premières, en particulier du nickel.
Quant à la solution à induction, également plus universelle, il reste à démontrer qu’elle est capable de fournir le niveau de puissance nécessaire à la traction et à la recharge d’un tracteur de 44 tonnes ; il resterait alors à la développer. Elle est par ailleurs très fortement consommatrice de cuivre.
Solutions techniques, potentialités et verrous au développement de l’autoroute électrique
Rédigé par Stéphane Levesque directeur de l’URF
Solution conductive aérienne : Caténaire
La solution conductive aérienne est dérivée du ferroviaire, avec des adaptations pour la route.
Les points positifs pour l’autoroute électrique :
- La plus mature (suite aux expérimentations réalisées ou en cours en Allemagne et en Suède), bénéficie d’une partie de l’expérience du monde ferroviaire, bien que tout ne soit pas transposable au mode routier, à commencer par la nécessité de poser deux caténaires par voie et un double pantographe par véhicule.
- Pas directement intrusive pour la chaussée et peut se mettre en œuvre sans altérer celle-ci.
Freins ou points de vigilance pour l’autoroute électrique :
- Impose des contraintes fortes à l’exploitant pour son installation et l’exploitation.
- Plusieurs risques à cerner et maîtriser : présence de pylônes en bord de voie (sécurité routière), accrochage de la caténaire par des engins se déployant accidentellement, chute de la caténaire par défaillance mécanique ou phénomène climatique violent.
- Impossibilité d’alimenter les voitures, VUL ou camions de faible hauteur (< 12 t et< 2,5 m de haut).
- Entrave pour l’accès aérien des secours, difficulté à déployer une grue de relevage de poids lourds, limitation continue du tirant d’air pouvant affecter certains engins de chantier lors de réfection de chaussée (à vérifier avec les entreprises routières).
- Limitation de vitesse en cas de forte chaleur, risque de perte de contact pantographe/caténaire et impacts mécaniques compte tenu des mouvements verticaux des poids lourds et du profil de la route, usure de la caténaire (compte tenu d’un rapport jusqu’à 100 sur le nombre de passages quotidiens de pantographes par rapport au mode ferroviaire).
- Franchissement des ponts (limite de gabarit) : possibilité de passage avec une caténaire rigide fixée sous le tablier ou interruption ponctuelle de la caténaire.
- Prise au vent des pantographes déployés et éventuelle surconsommation à évaluer.
- Acceptabilité visuelle à évaluer.
Solutions conductives au sol ou latérale en bord de voie
La solution APS (Alimentation Par le Sol) utilise deux rails parallèles affleurant, l’un pour l’amenée de courant et l’autre pour le retour. La captation de courant se fait sous le véhicule par un bras articulé, équipé de deux patins frotteurs qui se posent sur les rails.
Les points positifs pour l’autoroute électrique :
- Maturité intermédiaire (entre les technos précédentes), moindre que pour la conduction aérienne mais plus avancée que pour l’induction. Solutions comportant le moins de verrous bloquants par rapport aux critères essentiels évalués.
- Alimentation possible de tous les types de véhicules.
- Moins de contraintes en exploitation que les caténaires (mais plus que l’induction).
- Plus grande puissance délivrable parmi les trois familles de technologies étudiées.
Freins ou points de vigilance pour l’autoroute électrique :
- Pose nécessitant des travaux touchant directement la chaussée (mais durée ne devant pas excéder celle de la pose des pylônes et caténaires ou des bobines inductives en chaussée).
- Complexification des opérations de réfection des couches de roulement (à tester).
- Questions de sécurité soulevées auxquelles des réponses partielles ont été apportées : risque d’électrocution, adhérence ou déstabilisation des véhicules légers, court-circuit ou fuite électrique en cas d’utilisation de chlorures (viabilité hivernale), déchaussement de rail (au passage des chasse-neige). Des compléments d’expérimentations pourraient être nécessaires.
- Pour les véhicules de petit gabarit, il conviendra d’anticiper leur capacité d’accueil des systèmes de captation (garde au sol).
- Solution avec rail creux et ergot mal adaptée aux autoroutes à fort trafic et vitesses élevées, et qui soulève de nombreuses d’interrogations, notamment sur la pérennité du drainage du rail.
Solutions inductives
Le système comprend des bobines passives insérées dans la route, et des bobines réceptrices fixées sous les véhicules. Les bobines passives sont alimentées quand un véhicule passe au- dessus d’elles.
Les points positifs pour l’autoroute électrique :
Une technologie jugée « idéale » par les exploitants routiers, si elle répond aux exigences de puissance, grâce à :
- une faible intrusivité une fois installée,
- un faible impact sur l’exploitation de l’infrastructure,
- l’absence de contact entre véhicules et infrastructure d’alimentation,
- la possibilité d’alimenter tous les types de véhicules.
Freins ou points de vigilance pour l’autoroute électrique :
- La solution inductive, nettement moins mature que les autres, n’a pas encore démontré ses performances en condition opérationnelle. Elle a des coûts potentiels sensiblement plus élevés, tant par sa conception que par les incertitudes technologiques restant à lever.
- Ne répond pas aux exigences de puissance pour les poids lourds, au moins en l’état actuel des développements.
- Le rendement est inférieur d’au moins 5 % à celui des solutions conductives, ce qui représenterait sur la durée de l’exploitation (plusieurs dizaines d’années) un coût énergétique majeur.
- Exige des surfaces importantes de bobines réceptrices peu compatibles avec la géométrie des tracteurs routiers, et a très peu de tolérance vis-à-vis du positionnement latéral des véhicules (à quantifier par expérimentation).
- Risque de durabilité limitée dans les chaussées en asphalte, largement majoritaires en France.
- En l’état actuel des connaissances, les bobines en chaussée devraient être démontées ou remplacées en cas de régénération thermique ou remplacement de la couche de roulement.
- Consommation importante de ressources primaires (cuivre).
- Risque électromagnétique à quantifier, pouvant limiter l’acceptabilité (par les conducteurs et usagers), mais n’a pas pu être documenté à ce jour.
Expérimenter l’autoroute électrique à grande échelle
Rédigé par Marc Gohlke, Directeur Général CARA
Le groupe de travail qui a mené cette étude recommande de publier dès que possible un appel à projet (AAP) portant sur l’ensemble de la chaine de valeur des systèmes de route électrique (SYDRE) en complément des initiatives existantes au plan européen permettant in fine de :
- Sélectionner et expérimenter sur autoroute circulée une ou plusieurs technologie(s) de recharge interopérable(s) en adéquation avec les choix qui seront faits au niveau européen d’ici 2023.
- Lever les freins de toutes natures, y compris non technologiques, susceptibles de ralentir une généralisation fin 2025
- Développer les outils de conception, construction, exploitation des routes électrique afin de permettre une réplication accélérée des premiers démonstrateurs
- Faire monter en compétence l’ensemble des acteurs sur le territoire
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